La série des Panzer Dragoon est parvenue, avec deux premiers volets cultes, à se hisser au rang de référence faisant autorité dans le domaine des shoot’em up. Rien d’étonnant donc à voir sortir deux ans après l’épisode Zwei, un troisième opus qui viendra clore de fort belle manière cette fantastique trilogie. Seulement voilà, désireuse de surprendre ses fans, la Team Andromeda nous offre ici non pas un jeu de shoot mais bien un RPG à part entière avec tout ce que cela suppose. Pour les sceptiques susceptibles de s’inquiéter d’un tel choix, rassurez vous tout de suite : quand la T.A. fait quelque chose, elle le fait bien…
Réalisation (18/20)
Chose rare pour un jeu vidéo, l’émerveillement commence non pas lors de l’insertion du CD dans votre console mais dès votre arrivée dans le magasin. Après le sévère coup infligé à votre portefeuille (PDS étant le jeu PAL le plus côté de la ludothèque de la Sega Saturn, vous le trouverez difficilement à moins de 150€), vous vous retrouvez avec un magnifique coffret carton entre les mains, coffret rassemblant deux boitiers Saturn classiques agrémentés de magnifiques artworks. Votre première réaction est la surprise : pourquoi diantre tant de CD-ROMs pour un jeu de 1998 ? Vous insérez alors le premier dans votre machine et la réponse à votre question s’impose d’elle-même puisque vous vous retrouvez devant une magnifique séquence vidéo de deux minutes vous mettant séance tenante dans l’ambiance féérique du titre. Arrive ensuite le menu principal puis le début de la partie, introduite par une scène introductive d’un quart d’heure qui impose au fil des minutes à votre esprit l’idée que vous ne lâcherez pas votre pad avant d’avoir mené à bien cette fantastique aventure. Vient ensuite le jeu à proprement parler qui ne fera en aucun cas baisser le ravissement. La modélisation des personnages en 3D temps réel est de très bonne facture de même que leur animation qui en plus d’être fluide, s’offre le luxe d’être crédible et réaliste.
Les décors ne sont pas en reste puisque leur variété n’aura d’égal que leur qualité vous offrant la sensation de changer de jeu à chaque nouvel endroit visité. Le design de chaque lieu a bénéficié d’un réel soin créant ainsi une atmosphère attirante pour n’importe quel joueur, et l’on se surprendra à rester immobile pour admirer les nuages ou l’effet de transparence de l’eau tout simplement magnifiques. De plus, Panzer Dragoon Saga vous en mettra plein la vue avec de nombreux effets lumineux lors de l’utilisation des différentes possibilités offertes par le gameplay comme les attaques berserk pour ne citer qu’elles. Lors de vos déplacements, vous pourrez également admirer de superbes effets de profondeur et de transparence rendant l’univers dans lequel vous vous déplacerez terriblement attachant. Autre chose rare à l’époque, la distinction jour/nuit est prise en compte conférant ainsi encore plus de variété aux différents environnements, tout en agissant directement sur le déroulement de l’histoire puisque certaines parties de cette dernière ne pourront être effectuées qu’à une certaine heure. L’aventure sera ponctuée par un nombre incroyable de séquences vidéo aussi somptueuses les unes que les autres qui feront naître en vous un véritable plaisir vidéo-ludique sans cesse renouvelé. On pourra regretter des lieux parfois un peu dépouillés en ce qui concerne les personnages que vous rencontrerez ainsi qu’un « oubli » de la part des développeurs pour ce qui est de la traduction, puisque le jeu sera intégralement en Anglais, rendant ainsi la compréhension des séquences vidéo parfois difficile (le manuel sera fort heureusement multilangues, même s’il ne vous servira pas à grand-chose contrairement au tutorial). Mais ce serait vraiment faire preuve de mauvaise foi que de reprocher ces petits détails à ce titre qui ne compte pratiquement que des qualités techniquement parlant, et qui aurait pu faire office de démo technique de la Saturn destinée à clouer le bec à toutes les mauvaises langues critiquant les capacités 3D de la console de Sega. Les textures ont certes pris un petit coup de vieux mais le tout reste malgré cela terriblement attachant.
Bande son (19/20)
Mais le ravissement visuel est accompagné par une félicité auditive au moins aussi grande avec des thèmes musicaux de grande qualité dès le début du jeu. En effet, entendre la musique du menu principal vous incitera à lancer votre partie, votre pouce étant irrémédiablement attiré par la touche A de votre pad. Les compositions ponctuant le jeu apportent, par leur qualité, un réel plus à l’ambiance épique du titre lui faisant ainsi mériter son nom de « Saga ». Les bruitages sont plus que convaincants, de même que les voix (en japonais) qui ont été entièrement digitalisées pour chaque dialogue du jeu, chose assez rare dans un jeu vidéo (souvenez vous des Final Fantasy avec leurs dialogues en texte) pour être soulignée. Bande son magnifique donc, comme celle de tous les grands jeux vidéo ayant marqué le vingtième siècle.
Scénario (19/20)
Panzer Dragoon Saga recèle tant de bon points au niveau du contenant qu’il eut été dommage de gâcher cela par un contenu médiocre. Fort heureusement, ce dernier s’avère largement à la hauteur, à commencer par le scénario que je vais tenter de vous exposer le plus succinctement possible malgré sa grande richesse. Vous retrouvez donc l’univers post-apocalyptique introduit dans les deux précédents volets, résultat de décisions hasardeuses de la part des Ancêtres ayant entrainé des guerres sanglantes responsables de l’extermination de la quasi-totalité de l’espèce humaine. Peu à peu, les différentes civilisations sont parvenues à se reconstruire sous la coupe d’un puissant empire. Vous incarnez Edge, jeune garçon avide d’aventures chargé avec quelques soldats d’assurer la garde d’une mine remplie d’artefacts d’un autre temps. Sa vie bascule le jour où un monstre de l’ancienne époque remonte des profondeurs de la caverne et attaque le camp. N’écoutant que son courage, notre héros s’en débarrasse et découvre dans la bataille une étrange femme enfermée dans un bloc de roche. Hélas, son répit sera de courte durée puisque c’est ce moment que choisissent des transfuges de l’Empire pour perpétuer une félonie en lançant une attaque contre la mine et récupérer la mystérieuse femme, exterminant au passage toutes les personnes présentes. Agonisant, Edge tombe au fond de la mine se préparant à la mort. Seulement, son heure n’était pas arrivée et il se réveille entouré de créatures inquiétante avec pour seule arme un pistolet enrayé. Alors que tout semblait perdu, un Dragon fait son apparition et sauve notre héros en exterminant tous les monstres d’un seul coup. C’est le début d’une grande amitié entre le garçon et son compagnon volant dont les relations seront le point central autour duquel s’articulera toute la fantastique histoire de ce jeu. Une fois remis de ses émotions, Edge n’a plus qu’une idée en tête : retrouver les responsables du massacre de ses amis et assouvir son désir de vengeance. Mais sa quête va très vite devenir bien plus noble et le conduire à réviser son opinion sur certaines personnes pour parvenir à préserver le monde des innombrables menaces qui pèsent sur lui. Vous aurez droit à de nombreuses références aux deux précédents opus, notamment lors du combat contre le boss final qui vous arrachera une petite larme par ses cinq flashbacks. Cette superbe trame scénaristique alliée à une mise en scène non moins réussie grâce aux nombreuses cinématiques en garderont plus d’un scotché à leur télévision.
Gameplay (20/20)
Cette dernière affirmation est d’autant plus vraie que le jeu s’avèrera extrêmement agréable à jouer grâce à son gameplay très intuitif et complet. La première nouveauté frappante par rapport aux deux premiers épisodes est la liberté de mouvement qui vous sera octroyée. En effet, dites adieu au rail vous obligeant à suivre une route toute tracée, puisque vous pourrez vous déplacer librement dans les différentes zones et ainsi en explorer tous les recoins et autres passages secrets. Ces déplacements s’effectueront selon les moments à dos de dragon (le plus souvent) ou à pied (principalement dans les villes) et seront assez agréables malgré une relative lenteur étant donné la taille des zones à explorer. Certaines zones seront liées entre elles mais pour accéder à certaines autres, vous devrez avoir recours à la carte du monde qui vous permettra également de revisiter les tableaux déjà terminés.
Vous rencontrerez sur votre chemin de nombreuses créatures belliqueuses (parfois aléatoirement, mais de nombreux combats sont préprogrammés) dont vous devrez vous débarrasser pour pouvoir continuer à avancer en toute quiétude, ce qui m’amène au point le plus intéressant de ce paragraphe consacré au gameplay, à savoir les combats, savant mélange de temps réel et de tour par tour. Tout est basé sur trois jauges se remplissant toutes seules au cours de l’affrontement. Une fois l’une de ces jauges pleines, vous pouvez ouvrir le menu d’action qui vous permettra au choix de lancer une attaque (je reviendrai aux différents types d’attaques plus tard) ou d’utiliser un objet. Certaines actions nécessitent l’utilisation de deux ou trois jauges et vous devrez donc, si vous souhaitez y recourir, être patient et les laisser se remplir, tout en encaissant parfois les coups de vos adversaires. Même si elles ne sont pas affichées, les ennemis ont eux aussi des jauges et déclencheront leurs attaques en suivant une logique assez proche de la votre, l’IA étant très évoluée. Attention également à la variété du bestiaire puisqu’elle s’accompagnera d’une incroyable diversité dans les manières de venir à bout de vos ennemis.
L’un des points décisifs dans les batailles est sans nul doute la position de votre dragon par rapport aux adversaires. Ainsi, vous disposerez d’un radar basé sur un code de couleurs : si votre dragon se trouve dans la partie rouge du radar, il subira de lourds dommages en cas d’attaque ennemie. A l’inverse, s’il se situe dans la partie verte, vous ne risquerez rien puisque cette zone sera en quelque sorte « l’angle mort » de votre ennemi (comprenez par là qu’il ne pourra pas vous attaquer tant que vous serez à cet endroit). Enfin, la zone incolore sera intermédiaire et vous fera subir des dégâts de gravité moyenne. Si le placement est crucial pour votre défense, il est au moins aussi important lorsque vous attaquez. En effet, vous devrez trouver le point faible (marqué de la mention WEAK) de votre ennemi et vous placer du bon côté pour lui infliger un maximum de dégâts. Attention toutefois car exploiter ce point faible supposera bien souvent de vous placer délibérément dans la zone rouge, synonyme de danger ! Votre position sera d’autant plus importante que certains monstres seront invulnérables sous certains angles. Vous l’aurez compris, la clé de la victoire résidera dans votre capacité à rester dans la zone verte du radar pendant le chargement de vos jauges et à frapper votre adversaire là ou votre attaque lui infligera un maximum de dégâts. Sachez également que les créatures qui vous attaqueront chercheront constamment à vous ramener dans la zone rouge du radar vous obligeant à rester constamment mobile. Fort heureusement, les déplacements effectuables via la croix directionnelles par tranche de 90° (vous pouvez vous mettre devant, derrière, à gauche ou à droite de vos adversaires) ont le mérite de ne pas vider votre jauge d’action (même si leur remplissage est suspendu lorsque vous vous déplacez), contrairement aux attaques.
Parlons justement de ces dernières qui se divisent en trois types. La première, baptisée le « Homing Laser », sera l’attaque de base de votre dragon et se matérialisera sous la forme de multiples rayons d’énergie touchant plusieurs ennemis (uniquement les plus proches). Si sa puissance n’est pas à remettre en cause, cette attaque ne vous permettra toutefois pas de toucher les cibles lointaines pour lesquelles vous devrez opter pour le Gun. Cette arme de base de Edge touchant uniquement une cible sera customisable selon vos besoins tout au long de votre partie (et ce, même au beau milieu des combats) pour devenir de plus en plus puissante. A noter que chacune de ces deux armes sera totalement inefficace contre un certain type d’ennemi vous obligeant parfois à jongler constamment entre les deux. Le troisième type d’attaques, Berserk, sera clairement le plus efficace et spectaculaire. Ce ne sera ni plus ni moins que l’attaque spéciale du Dragon qui mettra à votre disposition un grand nombre de techniques réparties en six classes dont chacune sera adaptée à un certain type de situations. Par exemple, la classe « Attack » sera extrêmement efficace contre les ennemis proches tandis que la classe « Spiritual », quant à elle, infligera des dégâts considérables à tous vos adversaires. Si vous sentez que le combat tourne en votre défaveur, la classe « Agility » vous sera d’un grand secours puisqu’elle vous permettra de fuir l’affrontement comme le vil capon que vous êtes, à moins que vous n’optiez pour la classe « Defense » pour vous soigner ou dresser un bouclier protecteur autour de vous. L’utilisation de ces capacités spéciales, outre sa forte consommation en jauges (deux pour la plupart et jusqu’à trois pour certaines !), puisera dans votre capital BP (pour Berserk Points, l’équivalent des MP dans la plupart des RPG) vous obligeant à garder un œil constamment sur toutes ces données. Vous devrez également être vigilant puisque vos ennemis pourront eux aussi lancer des attaques spéciales, créant ainsi parfois des états anormaux chez votre dragon (poison, slow, stop, pain et bind). Ces états, bien que gênants, ne seront pas irréversibles puisqu’ils n’affecteront aucunement Edge qui aura alors tout le loisir de soigner son compagnon via des items. A noter que l’affichage de toutes les données nécessaires à votre victoire ne nuit aucunement à la lisibilité de l’action et que la barre de données s’intègre parfaitement au reste de l’écran.
Autre possibilité importante, vous pourrez pendant le combat (via le menu) faire évoluer votre compagnon volant en jouant sur quatre statistiques selon vos besoins et en fonction des ennemis rencontrés. Attention toutefois car augmenter certaines caractéristiques en fera immanquablement descendre d’autres. Si cette évolution s’avèrera bien vite très utile pour s’adapter à votre type de jeu ainsi qu’au type d’adversaires que vous rencontrerez, elle aura également le mérite d’être assez réussie esthétiquement parlant puisque vous verrez votre Dragon évoluer à vue d’œil et changer d’apparence selon les modifications que vous lui apporterez. Gardez toutefois bien à l’esprit qu’aucune modification n’est irréversible et que vous pouvez à tout moment revenir à votre configuration précédente.
A la fin du combat, vous aurez droit à une évaluation de vos performances selon les dégâts que vous aurez subis et votre rapidité dans l’anéantissement de vos adversaires. Un rang parmi cinq possibles (Excellent, Great Fight, Good Fight, Close All ou Narrow Escape) vous sera alors attribué et vous obtiendrez, selon le rang atteint, un certain nombre de points d’expérience et d’argent (Dyne). Si la dimension pécuniaire ne vous sera pas d’une grande utilité (les achats dans les villes étant assez rares), les points d’expérience vous feront gagner des niveaux vous permettant ainsi d’augmenter vos différentes stats et d'obtenir de nouvelles attaques Berserk. A certains moments fixes de l’aventure, votre compagnon changera également de classe et gagnera alors un surplus de puissance considérable ainsi qu’une nouvelle apparence. Vous l’aurez compris à la longueur du paragraphe consacré au gameplay, ce dernier est clairement l’un des gros points forts de Panzer Dragoon Saga tant par sa richesse et son intuitivité que par les grandes similitudes entre les stratégies (et attaques) de vos ennemis et des vôtres. Difficile de trouver un quelconque défaut au titre dans ce domaine, d’autant que la possibilité de se déplacer pendant les combats leur octroie un dynamisme extrêmement grisant, en comparaison du tour par tour devenu le point commun de la plupart des RPG actuels.
Durée de vie (13/20)
Malheureusement, nobody’s perfect et même les plus grands jeux ont tous un point faible : il s’agit ici de la durée de vie. Enfin, tout est relatif puisque finir le titre vous prendra tout de même une vingtaine d’heures, ce qui est plus que satisfaisant pour un jeu classique, mais un peu léger pour un RPG (d’autant que pour celui-ci en particulier, ca revient à 8€ l’heure de jeu…). Un allongement artificiel sera créé par l’aspect labyrinthique de certains lieux dans lesquels vous tournerez parfois en rond avant de revenir dans le droit chemin (je pense notamment au dernier niveau particulièrement fastidieux à mener à bien) mais les différentes énigmes se limiteront la plupart du temps à trouver l’interrupteur à actionner pour dégager le passage. Les combats sont assez inégaux puisque si la plupart seront assez faciles, certains offriront un challenge nettement plus élevé et dureront parfois extrêmement longtemps vous obligeant à faire preuve d’un esprit de stratège hors pair (d’autant que certains boss s’enchaineront parfois très rapidement sans vous laisser le temps de sauvegarder ou de vous soigner entre les combats). L’exploration à pied des villes et les discussions avec tous les personnages présents vous donnera l’occasion d’en apprendre plus sur l’univers féérique dans lequel vous vous trouvez et ce sera avec un plaisir sans cesse renouvelé que vous descendrez de votre monture pour rencontrer des PNJ parfois hauts en couleurs. Quelques quêtes annexes et passages secrets viendront rallonger un peu l’aventure mais on est tout de même frustrés par sa longueur limitée, tant elle est intense et agréable à suivre.
Conclusion (19/20)
Il est difficile d’exprimer avec des mots ce que l’on ressent lorsque l’on joue pour la première fois à Panzer Dragoon Saga. Seuls les quelques privilégiés ayant eu la chance de le posséder comprendront l’engouement que l’on éprouve lorsque l’on pénètre dans cet univers enchanteur. L’aventure se termine certes trop rapidement mais est ce si grave compte tenu de l’expérience vidéo-ludique vécue intensément lors de ces vingt heures magiques ? Ce jeu constitue un formidable baroude d’honneur pour la Saturn moribonde à l’époque de sa sortie et vient clore de manière magistrale cette fantastique trilogie 32 Bits qu’est Panzer Dragoon. Dommage qu’il ne soit pas sorti un peu plus tôt car il aurait peut être pu sauver la Saturn, qui sait…